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Hyperlocal: Voyager sans changer de lieu

Ce qui suit est une transcription d'une conférence d'Andreas Ruby organisée suite à sa résidence à urbanology. L'événement a eu lieu le 23 septembre 2021 à la pointe de la jonction dans le centre de Genève, et a été organisé en partenariat avec Fourm Pointe de la Jonction; Un projet participatif citoyen pour régénérer un ancien dépôt de bus en espace public.




L’autre jour j’ai trouvé cette statistique : Un seul vol d’ici aus Caraibes consomme aussi Co2 comme 80 personnes en Tanzanie pendant un an. C’est dégoutant et demesuré. Cela me coupe l’appétit pour ce genre d’exotisme. Nous tous savons bien que nous devons limiter considérablement l'empreinte de nos déplacements si nous ne voulons pas détruire totalement la planète.


Que’est-qu’il nous manque pour commencer à changer ? On connait l’expression « mal du pays ». Mais il y a certainement aussi la sensation contraire, le « mal du monde ». Et il nous faut une nouvelle gestion de ce mal du monde, de la même manière comme il nous faut une gestion de nos habitudes alimentaires. Quand on considère l'empreinte carbone du carnivore, on ferait beaucoup du bien pour le planète si nous deviendrons tous des végétariens, si non des végétaliens. Mais comment faire si vous aimez le goût de la viande ? Soit que nous changeons nos goûts, ce qui semble peu probable. Ou alors nous inventons des aliments qui ont le goût de la viande mais qui sont fabriqués sans viande. Alors le burger sans viande. Au fait, cela marche pour moi (mais je sais que ce différent pour des gens différents).

Il en va de même pour les voyages : nous devons inventer des techniques qui nous permettent d'assouvir nos désirs de destinations lointaines sans toujours avoir à nous y rendre. Alors comment satisfaire notre désir de lointain dans le proche ?


Selon la théorie du Genius loci de Christian Norberg-Schulz, un lieu est toujours considéré phénoménologiquement unique. Pour en faire l'expérience, il faut y aller. Cela semble évident et common-sense, mais peut-être ne pouvons plus nous permettre ce luxe aujourd'hui dans tous les cas. Peut-être nous pourrions sauver certains de nos voyages. Peut-être nous pourrions aborder certaines destinations davantage de manière imaginaire. Comme Malraux parlait d’un musée imaginaire, un musée dans notre tête contenant toutes les ouvres d’arts qu’on a déjà vu, peut-être nous pouvons commencer parcourir le monde au moins partiellement dans notre imaginer.


J'appelle cela la technique du voyage virtuel. Pour une société qui considère comme normal de prendre deux vacances à l'étranger par an en avion ou en voiture, cette forme de voyage imaginaire doit sembler absurde. Pas le vrai.


Pourtant c’était la réalité de nos societés prémodernes. Le plus long voyage d'un paysan au XIXe siècle en moyenne ne le conduisait pas à plus que de 40 km de son domicile. Et ceci est tourjours la situation

aujourdhui pour la plupart du monde, puisque 80% de la population mondiale n'a jamais pris l'avion. Pour eux, le voyage virtuel est une technique culturelle tout-à-fait courante. Ils s'aspirent au lointain, mail ils ne peuvent pas y aller.


Cette inaccessibilité du lointain m’est bien familier. Je suis né et grandi en ex-Allemagne de l’Est avant la chute du mur. Jusqu’à l’âge de 23 ans, le périmètre physique que je pouvais explorer en dehors de mon pays de naissance était limité au pays du bloc de l’est. Cette limite physique était étouffant d’une part. Mais aussi elle me donnait une grande envie d’ailleurs que j’apprenais à satisfaire comme beaucoup des gens de l’est, dans l’imagination. Comme on ne pouvait pas aller physiquement où on voulait, on s’y projetait à travers notre imaginaire.


Il y avait l’art pour l’apprendre cela. J’ai grandi avec la peinture de Casper David Friedrich, qui cultivait toujours l’envie du lointain de manière sublime. Avec une beauté presque cruelle ils articulait le

désir pour quelque chose que ne peut pas remplit immediatement, si jamais du tout.

- L’etoile du berger

- Les stages de vie

- Le Voyageur contemplant une mer de nuages

Peut-être on a desappris de nous rejouir de quelque chose à venir. Nous sommes peut-être trop habitués à ce que nos souhaits soient satisfaits immédiatement. Mais en allemand on dit, Vorfreude ist die schönste Freude ce qui veut dire :

« La joie anticipée est la joie la plus belle»


Peut-être devons-nous réapprendre que l'anticipation d'une expérience fait déjà partie de cette expérience. Nous le ressentons bien lorsque nous partons en voyage.


Après tout, des vacances à la montagne ne commencent pas quand on arrive à la Montagne. Elles commencent à la gare, lorsque nous montons dans le train. Ou non, encore plus tôt - lorsque nous faisons nos valises. Mais non, encore plus tôt : lorsque nous pensons pour la première fois, étant emmerdé au travail, à quel point il serait agréable d'aller à nouveau à la montagne. Nous voyageons donc au moins autant dans l'espace virtuel de notre imagination qu'avec notre corps qui se déplace dans l'espace réel.

Dans son célèbre roman "A Rebours" (1884), le célèbre écrivain Joris Karl Huysmans raconte comment un tel voyage dans l'esprit peut remplacer entièrement le voyage prévu avec le corps.

C'est une histoire d'un jeune aristocrate du nom Des Esseintes qui vit à Fontenay-sous-Bois (aujourd'hui une banlieue de Paris, à 12 km au sud). Il s'ennuie et se sent malheureux dans sa maison. Poussé par le mauvais temps d'un jour de novembre qui lui fait penser à sa récente lecture de Charles Dickens, il a l'idée de se rendre à Londres. Sur le chemin de la gare de Paris, il anticipe la ville de Londres si intensément que le Paris devant ses yeux se transforme dans un fantasme de Londres dans son esprit. Comme il pleut tout le temps durant son deplacement, ce mauvais temps « Anglais » fait que Paris ressemble de plus en plus le Londres comme il l’imagine. Quand son fiacre arrive enfin au centre de Paris , il a encore deux heures de temps avant le départ du train. Il se rend alors dans une librairie et se délecte des guides de voyage londoniens. Après il passe à un bar et goutte du porto anglais.


Arrivé à la Gare St. Lazare, il se rend finalement dans un restaurant anglais, dont les murs sont couverts des bouteilles des boissons anglaises. Les tables sont remplis de gens anglais qui parle l’anglais et mangent des repas de la cuisine anglaise. Il boit et mange comme eux, il commence à se sentir presque comme comme un anglais lui-même. Finalement, le moment est venu ou il devrait se lever de son siège au restaurant pour aller à la voie et monter son train à Londres. Mais il hésite. Mais écoutons aux mots de Huysmans lui-même pour comprendre le dilemme du bonhomme:


« Des Esseintes était incapable de remuer les jambes ; un doux et tiède anéantissement se glissait par tous ses membres, l’empêchait même d’étendre la main pour allumer un cigare. Il se disait : Allons, voyons, debout, il faut filer ; et d’immédiates objections contrariaient ses ordres. À quoi bon bouger, quand on peut voyager si magnifiquement sur une chaise ? N’était-il pas à Londres dont les senteurs, dont l’atmosphère, dont les habitants, dont les pâtures, dont les ustensiles, l’environnaient ? (…) Il n’avait plus que le temps de courir à la gare, et une immense aversion pour le voyage, un impérieux besoin de rester tranquille s’imposaient avec une volonté de plus en plus accusée, de plus en plus tenace. Pensif, il laissa s’écouler les minutes, se coupant ainsi la retraite, se disant : Maintenant il faudrait se précipiter aux guichets, se bousculer aux bagages ; quel ennui ! quelle corvée ça serait ! — Puis, se répétant, une fois de plus : En somme, j’ai éprouvé et j’ai vu ce que je voulais éprouver et voir. Je suis saturé de vie anglaise depuis mon départ ; il faudrait être fou pour aller perdre, par un maladroit déplacement, d’impérissables sensations. Enfin quelle aberration ai-je donc eue pour avoir tenté de renier des idées anciennes, pour avoir condamné les dociles fantasmagories de ma cervelle, pour avoir, ainsi qu’un véritable béjaune, cru à la nécessité, à la curiosité, à l’intérêt d’une excursion ? — Tiens, fit-il, regardant sa montre, mais l’heure est venue de rentrer au logis ; cette fois, il se dressa sur ses jambes, sortit, commanda au cocher de le reconduire à la gare de Sceaux, et il revint avec ses malles, ses paquets, ses valises, ses couvertures, ses parapluies et ses cannes, à Fontenay, ressentant l’éreintement physique et la fatigue morale d’un homme qui rejoint son chez soi, après un long et périlleux voyage. »


Nitin Sawhney:

Bengali Song


Avec ses multiples lockdowns, Corona a soudainement mis tout le monde dans la situation de ne plus pouvoir voyager comme d'habitude. Nous ne pourrions tous voyager que dans notre tête. Le critique d'architecture autrichien Wojciech Czaja en a fait un livre de photos, dans lequel il montre comme en se promenant à travers Vienne, il a découvert que la ville ou ou il habite contient en fait beaucoup d’autres – si on couple la perception avec l’imagination.

Wojciech Czaja: Almost.


Nitin Sawhney:

Migration



Musik

Nitin Sawhney:

Voices


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